Elle lance sa marque, le combat de la renaissance.
C’est d’un pas alerte que je me dirige vers la Cigale pour retrouver Florence Vandersmissen. De nombreux mois que nous ne nous sommes pas vues, que nous n’avons pas échangé, conversé. Le temps est triste, il pleut des cordes, mais peu importe, l’impatience et la joie sont au rendez-vous. J’ouvre la porte, dépose mon parapluie, un tour d’horizon, elle est déjà installée sur une banquette. Je la vois sur la gauche, toute pimpante, l’œil pétillant, son visage barré d’un large sourire. À peine l’ai-je rejointe que notre conversation démarre tambour battant. Il y a tant à dire. Mais le sujet le plus important, celui que j’ai envie de partager ici, qui à la fois m’enthousiasme et m’émeut, est lié la création de son entreprise. Un message d’espoir qu’elle délivre à toutes les femmes. Même dans les moments les plus noirs, filtre une petite lumière. Une lumière qui parfois vacille, pourrait facilement s’éteindre. Une lumière qui fait craqueler la coquille dans laquelle il est facile de s’enfermer.
Florence, après son cancer du sein, lance sa marque de lingerie.
Son idée germe depuis plus de trois ans. 17 juillet 2018, le verdict est tombé : cancer du sein. Certes, le verdict frappe comme un coup de massue et Florence n’a pas échappé à l’incompréhension, à ressentir l’injustice. Pourquoi elle ? Mais ce fut aussi sa force, son moteur pour alimenter son combat pour la vie.
Comme toutes les femmes atteintes par cette maladie, Florence est obligée de remplacer toute sa lingerie. Étonnée par le coté très classique et souvent inconfortable des modèles proposés, Florence a très vite eu l’envie de créer sa propre marque de lingerie pour les femmes qui ont un cancer du sein.
Issue du monde du textile, sa fibre marketing et son professionnalisme reprenaient le dessus. Enquêtes, études de marché, interview de femmes dans toutes leurs diversités, rencontres avec des fournisseurs… Elle en conclut que la plupart des marques françaises proposées ne sont pas fabriquée en France. Certes quelques petites marques locales existent, mais sans pour autant fabriquer dans l’hexagone. L’offre disponible s’adresse, me rapporte-t-elle, à des femmes plutôt matures “dans l’esprit culotte en coton de grand-mère ou de sous-vêtements pour jeunes filles en fleur“, – rire – sans pour autant apporter satisfaction quant au soutien, au confort et au manque d’esthétisme.
Le cancer du sein a plutôt tendance à toucher les plus de 50 ans. Cependant, aujourd’hui, la part de jeunes voire de très jeunes femmes ne cesse d’augmenter !
Sa conviction était faite. Elle allait mettre fin à la double peine perçue par les femmes dans ce moment critique : maladie et obligation de porter une lingerie inesthétique. Elle allait créer une lingerie dans des matières confortables assurant un bon maintien, une lingerie qui donne envie, qui permette de se sentir toujours femme.
Un parcours éprouvant.
Elle me raconte alors le chemin, là aussi, semé d’embuches. Les fils qu’il a fallu tendre pour mettre l’ouvrage en route, les nœuds à dénouer.
Il a fallu à Florence bien plus que ses convictions et motivations pour mener à bien ce projet. Après analyse de la concurrence, elle a bien entendu construit son business plan, déterminée, affinée son idée, son concept, identifiés les canaux de distribution. Elle a « checké » toutes les phases nécessaires et utiles pour lancer sa marque sous les meilleurs auspices. Et cependant… Sa détermination fut parfois ébranlée, mise à rude épreuve tant par les personnes sensées l’accompagner dans la création de son entreprise que par les fournisseurs ou partenaires éventuels. Méfiants, ils ne partageaient pas toujours avec Florence le même baromètre. La Logique économique et l’expérience leur indiquaient la super-prudence. Ils avaient besoin de valider que ce n’était pas une lubie.
« Sur un rendez-vous d’1h30 un fabricant a passé 1h15 de questions tests, tellement il voulait s’assurer que ce n’était pas un caprice »
Florence n’ignore pas le marché compliqué mais elle dispose de sérieux atouts. Sa force réside aussi dans les compétences acquises depuis près de 20 ans dans le marketing textile, de son réseau et de son expérience qui lui permettent de bâtir à façon la trame de son projet. Ce n’est pas une femme à baisser les bras. Cette sportive connait l’endurance. Elle sait ménager sa force et contourner les embuches semées sur le chemin. Elle n’a pas hésité à ajouter un argument sonnant et trébuchant. Elle ne fait pas appel aux dons et autres cagnottes. C’est son propre argent qu’elle investit dans son projet.
Et au fil des échanges, des preuves données mais aussi de belles rencontres, sa pugnacité paye. Elle réussit à convaincre du bien-fondé de sa proposition et du potentiel du marché.
Un engagement bienfait intégré dès le début du projet.
Pour lancer son projet de lingerie, elle sélectionne et s’entoure de fournisseurs-partenaires au savoir-faire établi. Des femmes et des hommes qui partagent ses valeurs éthiques, écologiques, la recherche de qualité et surtout l’art du travail bien fait.
Florence me raconte l’attention qu’elle porte à chaque stade du processus de fabrication, de la conception et du choix des tissus, des techniques de fabrication à l’emballage des modèles. Son positionnement est clairement de proposer des produits de qualités, qui vont durer dans le temps. Elle a même imaginé, pour arrêter de tout jeter un service de réparation. – à noter un service qui devrait voir le jour lors de la phase deux du déploiement de sa marque – J’ai sélectionné pour cet article trois points. Trois points qui marquent son attention aux autres et à son environnement.
Travailler en confiance. Elle fait appel à une styliste pour dessiner les modèles qu’elle imagine. Pas n’importe laquelle. Une avec qui elle sait pouvoir travailler en toute confiance. Caroline Dussart. Une ex-collègue Christian Dior Couture qui exerce aujourd’hui en free-lance. Avec elle les échanges sont professionnels, agréables, honnêtes. ”On arrive très facilement à se comprendre”.
La matière première des différentes lignes doit être responsable et lutter contre le gaspillage textile. Une évidence. Elle s’approvisionne donc de tissus, de dentelles, d’élastiques et accessoires issus de stocks dormants – pour celles et ceux qui l’ignorent encore il s’agit de toutes ces ressources encore trop souvent perçues comme un déchet – pour confectionner sa gamme de lingerie. Des matières douces pour le confort. Des matières nobles pour l’élégance. Des matières aussi agréables à la vue qu’au toucher. Des matières pour dessiner de belles silhouettes. Une solution pour leur donner une nouvelle vie.
Une confection évidemment française. 100%. Produire à l’autre bout du monde n’est pas conforme aux valeurs de protection de l’environnement et de l’être humain qu’elle porte. Elle fait donc appel à des entreprises locales au savoir-faire reconnu ; l’une d’elles est entreprise du patrimoine vivant. Par cet acte, Florence souhaite que sa marque participe à la sauvegarde des emplois, mais également à la défense de notre modèle social et de notre système de santé.
Nous étions embarquées dans notre échange, et jusqu’alors, je ne connaissais toujours pas le nom de sa marque. Alors, alors ?
Maison Flora, la lingerie de tous les soutiens.
Elle me le révèle alors. Maison Flora®
Pourquoi ce nom ? D’où vient-il ? Un lien affiché, voulu avec Florence ?
Ce projet en l’état actuel s’adresse aux femmes, à leur histoire, à leur vie, dans toutes leurs beautés. Florence souhaitait donc un nom qui représente pleinement ce projet. Le nom Flora s’est imposé. ”Flora, c’est avant tout le prénom de ma grand-mère. Un petit bout de femme dynamique, qui ne faisait pas son âge, toujours bien coiffée, très coquette. Et Flora, c’est la déesse des fleurs et de la végétation, bref, du printemps.” – Elle en parle ici avec beaucoup d’amour. On ressent que cette femme a beaucoup compté et encore aujourd’hui. – Le printemps symbole du renouveau, du commencement, du retour à la vie. Et Florence – floraison, nous sommes dans la même veine – me confie que c’est sa saison préférée.
“Et, le printemps c’est ma saison préférée“
Cependant, ce nom, ancré familialement n’était pas suffisant pour illustrer pleinement le concept imaginé par Florence. Il manquait tout ce qui pourrait exprimer une couture attentionnée aux autres, attentive à son environnement. Tout ce qui se rapporte au haut de gamme. En France, le mot maison est communément employé dans ce cadre. Par ailleurs, la maison c’est le refuge, le nid douillet. Le nom de marque Maison Flora® était né. Un nom en parfait accord avec son concept. En effet, dans un premier temps une collection de lingerie, mais à venir ultérieurement un lieu d’accueil, d’écoute. Un cocon où l’on oubli le côté médical. Un espace de soutien qui aide les femmes à se ressourcer, à rebondir, à regagner la confiance, à reprendre le court de leur vie. Un lieu de réparation.
Ce n’est que le début. L’effervescence, la montée de sève. C’est le printemps et mille projets fourmillent. Une preuve de résilience.
Avant de clore, elle me tend sa carte de visite.
Je voudrais souligner la cohérence de l’identité visuelle avec le concept imaginé par Florence. Elle a fait appel au studio de design graphique nantais BleuNéon. Il lui a proposé une jolie façon de l’illustrer en s’appuyant sur le kintsugi. Cet art japonais qui répare la vaisselle cassée.
Sublimer les blessures pour redonner toute sa beauté à la vie est ce qui signe la singularité de ce formidable projet.
Pour découvrir les modèles, en savoir plus sur la marque www.maisonflora.fr
Sur la place Graslin on se dit au revoir. On se promet de se revoir bientôt. Le soleil pointe à travers les nuages, il ne pleut plus.